Essai de la Cavale, par Jacques Monsault
lundi 16 octobre 2006
par volubilis
descriptif et essai de notre bateau préféré !

à la barre de la Cavale

par Jacques Monsault

Les cahiers des charges du Centre des Glénans et leur interprète habituel, Jean-Jacques Herbulot, ont valu à la plaisance un grand nombre de bateaux intéressants : Le Vaurien, Le Corsaire, La Caravelle et Le Mousquetaire sont sans doute les plus connus. Ils ont en tout cas si largement débouché sur le grand public qu’ils sont devenus bien souvent des " bases de références".

Nous pensons que la Cavale a de fortes chances de rencontrer un bel avenir, peut-être dans une version un peu différente de celle que nous présentons.

CONCEPTION GENERALE

Conçue pour permettre l’initiation à la croisière côtière et à la petite navigation en vue de terre, programme qu’on désirait réaliser avec de meilleures performances que la Caragogne, la Cavale est née avec des emménagements sommaires : deux couchettes cercueil sous un petit capot placé au pied du mât, la plate-forme occupant ravant permettant de caser une table à cartes et éventuellement un troisième équipier.A vrai dire, au premier regard jeté sur la Cavale sous voiles, la présence d’emménagements n’est pas évidente du tout. Il faut un peu d’attention pour remarquer que le franc-bord est peut-être un peu plus élevé qu’il ne serait strictement nécessaire pour un bateau de jour.

La silhouette générale du bateau est sympathique, très simple avec des lignes nettes, sous une voilure élancée que le palan de grande écoute tirant à mi-bôme rend très moderne.

Elle offre un pont totalement dégagé avec un très long cockpit s’évacuant par des dalots découpés dans un tableau assez large, et l’orifice par où débouche la chaîne de relevage de la dérive. Le pontage lui-même, bordé d’un petit pavois, constitue les bancs du cockpit : une longue barre d’écoute, qui le divise en deux, rappelle que cette coque a quelques prétentions aux performances. La partie avant du pont présente un bouge important dans lequel est découpé, en arrière du mât, un petit panneau d’accès aux emménagements.

Ce panneau et le bouge en sont les seules indications, avec un petit panneau transparent inclus dans la cloison avant du cockpit pour éclairer le" carré ".

CONSTRUCTION

La carène porte bien la signature de son architecte, ses murailles légèrement évasées, le V très prononcé et presque constant à ses fonds, le bouchain vif immergé sur une bonne partie de la longueur et un brion qui affleure presque, sous des couples avant au V à peine accentué. Les longitudinales sont tendues : le maître creux a pu regagner le milieu de la flottaison n’étant plus chassé vers l’arrière par la nécessité de prévoir le poids de l’ équipage dans un cockpit reculé par un roof central.

Les lignes d’eau sont pleines sans aucune trace de pincement. La Cavale marchera plus facilement "sur" l’eau qu’ "à travers", mais, au prix d’une certaine réduction des performances, supportera bien le surcroît de charge.

La similitude assez marquée de la coque avec celle du Mousquetaire permet d’espérer un bon équilibre à la gîte, et le lest qui, combiné avec la dérive pèse 250 kg, présage une puissance nettement supérieure à celle qu’on trouve sur le Corsaire.

La construction est très bien réalisée par Stephan, en matériaux de premier choix dans le style utilitaire qui lui est propre : tout ce qui est important, et souvent caché à la vue, est parfaitement exécuté, les finitions d’aspect sont parfois hâtives, mais le prix justifie le résultat avec un bilan très positif.

Le gouvernail à safran fixe est en bois, la barre est munie d’un stick.

Les emménagements sont très" Glénans ».La petite descente donne accès à un abri spartiate où l’on a à peu près hauteur assis et où l’on trouve deux couchettes cercueil très profondes et une plate-forme avant normalement utilisée pour la navigation, la cuisine, etc. ( une version à 4 couchettes est prévue).

GREEMENT ET ACCASTILLAGE

La voilure est assez importante. Elle est portée par un mat en alliage léger avec un gréement de dériveur : de chaque côté un hauban et un galhauban qui s’appuie sur une barre de flèche, il n’y a pas de pataras. Le triangle avant, de surface moyenne, a son capelage placé à plus de 75 % de la hauteur du mat, ce qui permet à la Cavale de disposer d’une gamme assez étendue de voiles d’avant, notamment d’un très beau spinnaker.

L’équipement de manoeuvre est rustique. Les poulies de retour de foc sont mobiles sur un rail fixé à l’intérieur du petit pavois qui ceinture tout le pont, L’écoute revient ensuite par une poulie articulée à l’extrémité de la barre d’écoute jusqu’au winch unique monté sur la face avant de la barre d’écoute.

La barre d’écoute en bois porte un simple rail sur lequel circule un curseur métallique sans galets dont la course est limitée par un brin unique qu’il faut tourner sur un taquet central placé sur la face arrière de la barre. Le palan à quatre brins fait retour au barreur par une poulie de plancher. Comme pour l’écoute de foc,il n’y a pas non plus de taquet pour la grande écoute. Par contre, on trouve de chaque bord un trapèze.

Les bancs de cockpi, sous lesquels sont engagées les couchettes, sont de ce fait assez larges et offrent une bonne surface aux amateurs de soleil que l’existence d’un petit pavois rassurera certainement. Sur un plan plus positif il paraît y avoir contradiction puisque la Cavale comporte un trapèze, alors que le rappel des autres équipiers paraît difficile à concevoir en l’absence de sangles et du fait de la largeur des bancs.

PERFORAMANCES ET QUALITES NAUTIQUES

La première impression donnée par la Cavale à celui qui embarque à son bord est celle d’une bonne stabilité : la flottaison assez étalée et le lest sérieux sont très sensibles. On peut, sans avoir à réagir à des oscillations inquiétantes, parcourir tout le bord.

L’envoi de la voilure est facile, l’absence de roof permettant de disposer de la totalité du pont en avant du mât.

La surface assez importante de la voilure et un bon génois donnent à la Cavale de bonnes performances par petit temps. Tout au plus peut-on regretter sous l’angle des performances que la voilure d’origine ne soit pas un peu plus creuse.

La Cavale manoeuvre vite, fait preuve d’une docilité très grande à l’action de la barre et d’un tempérament conciliant. La réaction au réglage de la voilure n’est pas très sensible ; pas plus qu’à la répartition des poids : il faut pourtant veiller à ne pas surcharger l’ avant, pour ne pas ressentir un ralentissement assez net quand le brion immergé oblige l’ étrave à écarter les crêtes en force au lieu d’y grimper.

Par brise moyenne, les bonnes performances se maintiennent, mais la Cavale doit être menée comme un dériveur, presque à plat sur reau, au risque de ralentir sensiblement. Le trapèze est bientôt apprécié.

Le pavois est étroit. Pour faire du rappel, on coince un pied sous la barre d’écoute. Pour notre part, nous aimerions que la lisse de pavois soit élargie au niveau du rappel. On pourrait alors installer des sangles sur le bord intérieur des bancs qui auraient en outre l’ avantage de rendre les équipiers plus solidaires du bord.

L’utilisation de la barre d’écoute permet de garder toute la toile juaqu’à force 3 avec l’aide du trapéziste et d’autres équipiers au rappel. La Cavale taille alors sa route avec rigueur, coupant les petites lames, grimpant sur les plus grosses en mouillant remarquablement peu son équipage.

Mais si la gîte dépasse une vingtaine de degrés, elle demande de la barre et ralentit plutôt que d’accélérer, de telle sorte qu’il ne faut pas hésiter à réduire la voilure. La manoeuvre de changement de foc est facile quoique mouillée, la présence de mousquetons de draille imposant de séjourner un certain temps sur l’avant. La prise des ris classiques dans la grand’voile ne pose pas de problèmes, pour peu qu’on ait le matériel nécessaire et la pratique de la manoeuvre.

Aux allures portantes, la Cavale accélère franchement et passe assez facilement en survitesse, mais sans aller jusqu’à planer. Le contrôle reste facile, mais les réactions sur les lames de la coque à bouchain vif le sont aussi. De grands coups de barre sont parfois nécessaires pour rester en ligne sur les crêtes, mais on ne perd jamais le contrôle de la route. Il est difficile au plus près de tirer le maximum par brise fraîche, le curseur de grande écoute ne circulant pas en charge et, à moins de choquer récoute de grand’voile, les déplacements du curseur sur la barre s’effectuent avec difficulté, On peut déplorer aussi la limitation de la course du curseur par un unique brin contrôlé du milieu de la barre.

D’autre part, nous conseillerions aux acheteurs de cet excellent bateau de remplacer dès ’ achat les écoutes en coton par des cordages plus gros en fibres synthétiques et de prévoir quelques taquets coinceurs. Tenir en main pendant longtemps des écoutes trop fines (le coton s’allonge doucement et maigrit) et bien raidies est rapidement pénible et, après une journée de brise, on se retrouverait à terre avec des mains endolories si elles n’étaient amarinées.

L’accastillage et les manoeuvres fournies sont suffisants pour une utilisation décontractée sans recherche de performances, où l’on ramène toujours la surface à ce qui peut être utilisé sans fatigue. Dans ce cas, on peut parfaitement tourner les écoutes sur un bateau aussi sain de comportement que la Cavale.

Mais les qualités propres du bateau inciteront rapidement ses propriétaires à vouloir en tirer un peu plus et nos observations trouveront alors toute leur signification.

On peut faire confiance à la Cavale dans toutes les circonstances où un bateau de sa taille peut se trouver à la mer, il est très sain et sûr.

On peut dire de la Cavale, comme de la plupart des productions de Herbulot orientées vers les Glénans, que c’est un voilier utilitaire. Pour notre part, nous apprécions beaucoup sa ligne nette et fonctionnelle, toutes les facettes de son comportement à la mer et ses performances à la voile pour lesquelles les anciens aimeraient certainement le voir plus confortablement équipé.

Pour un programme de petite plaisance ne comportant qu’une nuit occasionnelle loin de la base fixe, ou pour une navigation de croisière côtière de jeunes sportifs, on peut difficilement trouver un bateau plus sérieusement construit, offrant autant de possibilités pour un prix aussi modique.

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